Mon cher Darm... ^^'
Comment te dire que je ne suis pas du tout d'accord avec toi. ^^'
Effectivement tu as pour l'instant joué à un jeu de l'Amiral pour qui les mécaniques doivent s'effacer le plus possible (note que je parle de mécanique, pas de système, j'y reviens plus bas), et à un jeu de Kersa qui a du mal avec ses mécaniques et dont je ne sais pas trop comment il a géré ça sur les tables où tu étais présent. Teste seriTALes, et tu verras une mécanique bien plus présente. Teste un Conflit à De Cœur & D'Acier et (sur les premiers conflits, du moins) tu la sentiras bien fort dans tes doigts, la mécanique. ^^
Maintenant, ce sont tous des jeux germinatoriens parce qu'ils "
[vont] permettre de véhiculer correctement ce propos, et l'expérience promise" (du moins on essaie ^^'). Et cela, ils le font en ayant "
une forte adéquation du système de jeu, l'univers, les mécaniques, la manière d'y jouer, de le mener, avec le propos afin de proposer l'expérience la plus agréable possible et qui soit celle qu'on est venu y chercher".
Et dans tous les cas, le système est là pour aider les joueurs (MJ compris) à avoir l'expérience promise le plus facilement, il est là pour cadrer et orienter.
En fait, je devrais commencer par quelques définitions qui manquent cruellement.
Système: toutes les règles qui régissent le déroulement du jeu. Qui a le droit de dire quoi, quand, sous quelles conditions. Quand à Bibracte tu peux dire que d'une seule flèche tu empales 5 adversaires alors que dans Surviv'rôles tu peux pas: c'est du système. Quand dans seriTALes tu peux décrire ce que font et disent les PNJs alors que dans De Cœur & D'Acier tu peux pas, c'est du système.
Quand dans Elven Reich tu peux croiser un troll ou un elfe alors que dans De Cœur & D'Acier tu peux pas, c'est su système (induit par l'univers). Les histoires gigognes dans Bibracte n'impliquent pas de lancer de dés, ne tiennent pas comptent de statistiques et pourtant c'est bien du système.
Mécanique: Morceau du système qui gère une prise de décision quant à la fiction en la faisant reposer sur un élément extérieur aux participants (= joueurs, meneur compris).
En général c'est là qu'interviennent les dés, ou les cartes, ou les réserves de points, mais ça peut aussi être de la comparaison de scores ou plein d'autres choses encore. La mécanique implique généralement que (pour au moins une partie des joueurs (MJ inclus)) l'attention se défocalise de la fiction pour se tourner vers un élément "technique" (une feuille de perso, une poignée de dés, etc) de la table (j'utilise le mot table au sens large, on peut très bien être sur l'herbe sous un grand chêne

).
Voilà pour les définitions qui pourraient nous être utiles.
A partir du moment où la mécanique éloigne les joueurs de la fiction pour s'intéresser à ce qui se passe à la table, il y a une diminution de l'immersion
(maintenant, il ne faut pas oublier qu'en vrai, même dans une longue phase purement narrée sans intervention mécanique, le joueur fait constamment des aller-retours entre la fiction et la réalité. Sinon, ce serait un état similaire à une transe, ou un rêve). L'idée c'est que si la mécanique "brise" pour un temps la fiction, nous coupe dans notre élan narratif, ce n'est acceptable (voire souhaitable) qu'à condition que ça apporte à cette fiction quelque chose dont le bénéfice (ça apporte des trucs bien dans la fiction) surpasse la lourdeur (ça coupe la narration pour devoir faire d'autres choses potentiellement moins fun).
Et donc: que peut apporter la mécanique à une partie?
1. Le ton. De la manière la plus simple et la plus "classique", selon ta mécanique tu pourras faire des actions plus ou moins héroïques ou au contraire l'issue des actions des personnages sera plus ou moins amère. C'est cependant délicat parce que le ton dépend quand même beaucoup plus du système, encore plus quand la mécanique dit que c'est au MJ de fixer une difficulté (si tu me dis "je veux sauter de ce toit jusqu'à celui du bâtiment d'en face", et que le système dit que c'est à moi MJ de fixer la difficulté selon mon jugement, je ne la mettrai pas au même niveau selon que je veux un jeu gritty
* ou plus pulp/épique. Et là ça échappe à la simple mécanique).
2. L'incertitude. Dans jeu de rôles il y a rôles, et on tient à le mettre en avant ici, mais il y a aussi jeu. S'il n'y a aucun suspens, s'il n'y a aucune incertitude, ben... Au bout d'un moment on risque de se faire gentiment suer. Il y a un réel plaisir à ne pas savoir où l'histoire va nous emmener, et aussi un plaisir à avoir une prise sur elle. Or si on décide seul d'où va l'histoire il n'y a pas de suspens, et si le MJ décide de toute issue, on peut se sentir dépossédé de son poids dans l'histoire
(vaste sujet, on aura sans doute l'occasion d'en reparler). Introduire de l'aléatoire, ça introduit de l'incertitude, encore faut-il que la mécanique soit bien pensée pour que cet aléatoire amène des choses vraiment pertinente (le problème de beaucoup de jeux historique, à mon avis).
3. Le propos. Et là on arrive au cœur de l'intérêt de la mécanique. Le propos réside aussi grandement en partie dans le système, bien sûr, mais il est très intéressant d'en mettre dans la mécanique aussi, justement parce que cette même mécanique échappe en partie au meneur et aux autres joueurs, et qu'elle imprime donc sa marque sur la fiction
(si la mécanique est bien faite, ce qui est un gros problème, mais au Germi on est là pour ça
). Dans seriTALes, la mécanique pousse les joueurs à donner un ton séries télé, dans De Cœur & D'Acier, la mécanique reflète le côté déterministe du monde et pousse les joueurs à entrer en conflits s'ils veulent un minimum de contrôle sur leur vie. La mécanique, par son indépendance (plus forte que le système) vis-à-vis des joueurs (MJ inclus) leur permet
(si elle est bien faite= dans les jeux GR:p) de créer une fiction qui correspond à ce qu'on leur a promis, sans avoir à se forcer et à s'en souvenir en permanence. Ça coule tout seul, du coup le jeu supporte (que dis-je, propulse!) vraiment les joueurs (MJ inclus) dans la création d'une fiction fidèle à celle qu'ils avaient envie d'expérimenter.
Il y a peut-être d'autres choses que peut apporter la mécanique et que j'oublie mais le principal est là, dans mon point 3.
Maintenant, je comprends fortement ta confusion, parce que la plupart des mécaniques de jeux classiques tentent juste de (mal) simuler une réalité sans prendre de parti ni d'angle d'attaque, et moi aussi ça me gonfle dans quasiment tous les jeux les plus connus. On se fiche complètement de savoir quel poids (au gramme près) Bob peut porter s'il a 12 en Force. On se fiche complètement de savoir la portée d'une arme en mètres, quand de toutes façons personne n'a la
même représentation mentale d'une scène de bataille
(à moins de sortir battlemap et figurines, mais pour le coup je trouve que le ratio intérêt pour la fiction/sortie d'immersion tombe dans les chaussettes, et là je fais plus du JdR, je fais du wargame) et qu'en plus ça n'a aucune crédibilité dans notre réalité
(petit H.S: c'est amusant de voir comme dans ces jeux plus ils poussent loin la simulation pour essayer d'approcher une réalité basée sur notre réalité, et plus ils s'en éloignent. C'est toujours pour la baston, ça ralentit tout en étant archi lourd, et ça s'éloigne ahurissamment de ce qu'ils essaient d'obtenir. Y a qu'à voir les bastons en tour par tour avec initiative!) et aucun intérêt par rapport à la fiction.
Mais une mécanique ne gère pas forcément que la baston (encore un long sujet.. -_-), et ne gère pas forcément les choses de manière "ultra simulationiste" (dans le sens d'essayer de modéliser une réalité physico-mathématique). Je crois pas que Bibracte soit très orienté "approchons par un modèle mathématique la réalité des lois physiques de cet univers", et ce n'est clairement pas le cas dans seriTALes ou dans De Cœur & D'Acier.
Pour prendre un exemple qui ne vient pas de chez nous, moi et Perthur avons pu tester à Mélusine un jeu nommé
Swords without Master. Eh bien la mécanique consiste en une paire de dés qui fait office de "bâton de parole". Quand quelqu'un a fini ce qu'il voulait dire, il passe la paire de dés à quelqu'un d'autre, qui décrira (plus ou moins, y a d'autres trucs) ce qu'il veut mais avant jette ces deux dés pour savoir s'il doit décrire sur un ton Joyeux ou Maussade. Et voilà. Aucune caractéristique chiffrée, aucune difficulté à battre, aucune simulation physico-mathématique. Et pourtant c'est de la mécanique. Bon, celle-ci sert pas mal son propos mais pourrait le faire bien mieux à mon sens, ceci dit la retirer ou l'oublier de temps à autres serait fort dommage.
Voilà, j'ai déjà beaucoup trop écrit (merci pour ton appel du pied, c'est quelque chose que je voulais écrire sur ce forum d'une manière ou d'une autre n_n), je vais finir en ouvrant sur une dernière râlerie:
J'entends parfois des gens dire "ouah, on a fait une partie trop bien l'autre jour,
la preuve on n'a pas jeté les dés une seule fois de toute la partie!". Je déteste cette phrase, elle montre un amalgame qui me fait blesse
(pour de vrai, je pourrai vous montrer les cicatrices).
A chaque fois je pense à seriTALes où si on ne jetait pas les dés de toute un épisode ce serait du gros gâchis (ou maintenant à DC&DA où si le(s) MJ(s) ne retournaient pas pour eux d'arcanes majeures ce serait pareil), autant ne pas jouer à mon jeu, merci. Ça veut dire que la mécanique est un truc déplaisant puisque partie géniale = partie où il n'y a pas de mécanique. Dans ce cas assumez: virez toute la mécanique et jouez en système 0.
La plupart du temps, c'est effectivement un jeu classique et donc effectivement les mécaniques sont un antidote naturel au viagra. Personnellement les virer purement et simplement ne me satisfait pas parce que ça veut dire tout mettre sur le dos du MJ et j'aime bien en tant que joueur avoir ma part dans l'histoire aussi.
Mais du coup, à cause de ces jeux et du traumatisme qu'il a imprimé dans bien des joueurs, ceux-ci se méfient de la mécanique comme Mireille D. aurait dû se méfier de son équipe éditoriale, et ça peut vous priver de superbes mécaniques, élégantes et légères, qui vont propulser vos histoires dans des directions que vous n'auriez pas prévues et pourtant parfaitement dans le ton désiré et vont vous permettre de vous prendre le propos en pleine face, lancés à 300 à l'heure que vous êtes.
Cette phrase implique aussi que du coup, on se retrouve avec un meneur tout puissant qui doit diriger l'histoire en fonction de son inspiration, de ses routines et des ses expériences et habitudes. Et c'est dommage, c'est risquer d'appauvrir l'expérience de jeu; c'est risquer d'avoir des meneurs qui n'auront que leur système ayant jeté le bébé système avec l'eau mécanique, et donc qui fait toujours les choses de la même façon; et c'est risquer (mais là je ne parle que pour moi
(avant aussi, vous me direz ^^'), de manière très subjective) qu'en tant que joueur je me sente privé de ma prise sur la fiction parce que tout passe au final par l'aval d'un MJ que je verrai devenir tout-puissant (après tout, l'histoire c'est lui).
Voilà, merci à ceux qui ont eu le courage de me lire. ^^"
*Gritty (Définition trouvée sur un forum de JdR strasbourgeois)
Un jeu gritty est un style de jeu dur, visant le réaliste et voulant mettre les personnages à cran. Dans ce type de jeu, les erreurs ne pardonnent pas, les combats sont risqués car la moindre blessure peut être mortelle, mettra du temps à guérir et sera un handicap jusqu'à sa guérison. Les jeux gritty ont tendance à mettre en avant des thématiques adultes (la survie, l’horreur, la violence), parfois dérangeantes, mais ce n’est pas systématique.